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TAFSUT AU SALON INTERNATIONAL DU TOURISME
11/11/2008 20:02
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ENTREVUE AVEC KARIM AKOUCHE
11/11/2008 16:29
Entrevue avec Karim Akouche - Les Baisers du fantôme.
Bien dans sa peau, les yeux pleins d'intelligence, rebelle, sensible mais résolument perspicace, Karim Akouche, romancier prometteur a toutes les qualités malgré son jeune âge pour prétendre à une place confortable dans le Panthéon universel des lettres. Nous l'avons rencontré à Montréal, il a bien voulu répondre à nos questions.

Kabyle.com : Azul a Karim et bienvenue à Kabyle.com.
Karim AKOUCHE : Azul et merci pour votre invitation
Qui est Karim Akouche ? Pouvez-vous vous présenter aux internautes de Kabyle.com ?
Je suis un écrivain naissant, un poète embryonnaire. Ma religion c'est la littérature. Je suis originaire de Kabylie. J'ai 29 ans. Les éditions P.I.T (Pax In Terris) ont publié mon premier roman, Les baisers du fantôme, au mois d'août dernier.
Votre premier livre a fait une très belle entrée dans le domaine de la littérature francophone et ne laisse personne indifférent ne serait-ce qu'en évoquant le titre. Pourquoi avoir choisi "Les baisers du Fantôme?»
Ce titre est ambivalent. C'est la conjugaison de la douceur et de la violence, de la candeur et de l'artifice, du noir et du blanc. Le baiser c'est l'eau de rose. Le fantôme c'est la piqure de l'ortie. Ce titre annonce d'entrée de jeu les couleurs de ce roman : la lutte infernale entre le mal et le bien, entre la lumière et les ténèbres, entre l'amour et la haine. À qui reviendrait le dernier mot ?
"Les baisers du Fantôme" commence par une tragédie : l'assassinat de Leila le jour de son mariage et par le grand malheur qui frappe Yaniv. Vous décrivez ce drame avec authenticité telle que l'on s'imagine que vous l'avez vécu vous-même
Ce roman n'est pas une autobiographie, mais il n'est pas non plus dénudé d'éléments autobiographiques. Je n'aime pas l'autobiographie pour la raison suivante: elle est la profusion du kitch, de m'as-tu-vu, de regarde-moi-je-suis-un-héros… Dans chaque autobiographie, il y a une part de vanité, ou d'arrogance. La très grande partie de ce roman est le produit de mon imagination. Je suis le créateur de ces personnages, auparavant ils n'ont jamais existé…Je les ai élevés et nourris. Ils me sont très familiers. J'ai souffert et pleuré avec les uns, comme j'ai hurlé et me suis révolté contre les autres. Parfois les personnages échappent à leur inventeur. C'est rare que ce dernier arrive à les maîtriser. Yaniv, le narrateur, m'a-t-il échappé, m'a-t-il renié ? Je ne saurai vous le dire…Je crois que la force de l'écrivain consiste à faire de la fiction une réalité. L'histoire de ce roman est une fiction, elle est à mi-chemin entre un drame shakespearien et une élégie gréco-romaine…
Comment « Les baisers du fantôme » a été accueilli par les lecteurs ?
J’ai eu des retours très positifs, pour ne pas dire élogieux ou dithyrambiques… J’ai reçu plein de messages de lecteurs séduits par mon style, par mon écriture…C’est encourageant. Mais, je m’interdis toute forme d’euphorie. Je ne suis qu’un écrivain naissant, un poète embryonnaire. Les étoiles ne sont pas à la portée de tout le monde, elles appartiennent à ceux qui veillent tard…Je dois encore veiller et suer avant de mériter congratulations et éloges. Je sais que le chemin est encore long, semé parfois d’embûches ; mais surprenant et bigarré. J’ai endossé mon attirail de mots et je me sens prêt à le sillonner, en toute sérénité. L’aventure en vaudra la peine. Tous les encouragements que j’ai reçus me donnent de l’énergie d’aller de l’avant, loin, plus loin encore…Je dois me surpasser, dénicher au plus profond de moi les mots et les sons les plus improbables et les combiner pour en construire une œuvre forte et aboutie… Creuser et chercher dans mon for intérieur les émotions, les douleurs, les souffrances... Chercher les perles rares pour en faire des colliers exceptionnels…
L’écriture de votre roman vous a pris combien de temps ?
Un peu plus de deux mois, je crois. Je suis prolixe me diriez-vous. Mais, avant d’accoucher cette œuvre, je l’ai portée d’abord en moi, dans mes entrailles…Les personnages de ce roman m’ont habité depuis longtemps, et souvent, ils me hantaient. J’ai porté ce roman dans mes tripes comme la femme son bébé dans le ventre…Puis vient l’accouchement…L’accouchement était douloureux, émouvant, excitant et extraordinaire… Mais, je ne suis pas un romancier qui pratique l’écriture de toute hâte, pressée, sans délai, qui gribouille tout et n’importe quoi…Tout passe par l’œil et par le flair. J’observe tout. J’analyse tout. Je suis attentif à tout. En d’autres termes, je suis un chasseur de gestes, un braconnier de comportements. J’essaie de sonder l’âme humaine par mes propres mots. Je peins avec les mots. Mes touches sont des mots… Mes couleurs sont des mots…L’écriture est la peinture de l’âme, comme elle est aussi la mélodie du cœur…
Qu’est-ce que vous ressentez quand vous écrivez ?
Écrire est un exercice qui me procure bonheur et félicité. Quand j’écris, je suis le plus heureux au monde. Car je suis en train de créer « mon monde à moi », mes personnages et les différents facteurs qui régissent leur vie. Je leur impose des rôles, je leur attribue des fonctions ou les licencie, à mon gré. J’invente leurs familles, leurs amis, leurs émotions…On dit de celui qui invente le monde est un créateur… Alors, je joue au petit dieu, au démiurge – c’est moins vaniteux (rire…) Il y a toujours chez l’écrivain cette prétention, souvent exagérée, de concurrencer les dieux...Mais, je ne suis pas naïf, je ne m’inscris pas dans cette vision altière… Pour moi, écrire c’est exister….Ou mieux encore : j’écris pour ne pas mourir, pour ne plus mourir…
Écrivez-vous le jour ou la nuit ?
J’écris plutôt la nuit... Mais, il m’arrive aussi d’écrire le jour…Je crois que cet exercice désobéit à toutes les lois de la nature. Il n’obéit ni au temps, ni à l’espace. Il est intemporel. Il est hors temps tout en étant dans le temps. Il est hors espace tout en étant dans l’espace… Bref : l’écriture a horreur de l’obéissance. Elle est indomptable… Mais paradoxalement, c’est avec l’écriture que j’arrive à dompter les démons qui sommeillent en moi, et à bercer les anges qui volent tout autour de moi…Les mots ont plein de vertus : des vertus cathartiques, exorcistes, alchimistes … Hugo avait écrit dans Les contemplations : Les mots sont les passants mystérieux de l'âme… Quelle belle description pour parler des mots avec de si beaux mots !…
Quels sont les auteurs qui vous ont le plus marqué ?
La liste est longue…Milan Kundera, Mammeri, Feraoun, Goethe, Mimouni, Jean Amrouche, Sansal, Kateb Yacine, Camus, Sartre, Gary, Comac McCarthy, Amos Oz, Aimé Césaire, Garcia Lorca, Hikmet, Neruda, Oscar Wilde, Dostoïevski, Tolstoï, Nabokov, Gogol, Thomas Mann, Faulkner, Steinbeck, Flaubert, Maupassant… Pour les uns, parce qu’ils ont l’art de mettre toute leur âme dans leurs œuvres… ils ne savent pas tricher… Ils savent bien décortiquer « l’insoutenable légèreté de l’être »…Pour les autres, j’aime leurs écritures, parce qu’ils osent réinventer, non sans arrogance, le monde avec leurs propres mots…Et ils le font si bien…
Depuis quand écrivez-vous ?
J’ai commencé à écrire dans ma langue maternelle, le kabyle. j’étais à peine plus grand qu’une asperge. J’avais alors 13 ans. Ce n’était pas vraiment de l’écriture… C’était du gribouillage. Je notais par-ci un quatrain, souvent vain, par-là un bout de poème, parfois réussi…Ainsi, j’ai commencé à rafistoler des bribes de poèmes… Puis, au Lycée, après avoir dévoré d’un trait Les fleurs du mal de Baudelaire, j’ai commencé à écrire des poèmes dans la langue de Molière…
Quelle sensation avez-vous ressentie une fois votre livre achevé ?
Une fois le livre achevé, c’est le soulagement. Après l’accouchement, on flotte sur un nuage : on prend son nouveau-né dans ses bras, on le berce, on le dorlote, on le bichonne et on lui caresse les joues (rire)…Une fois le livre publié, il n’appartiendra plus à l’auteur, il est à ses lecteurs…Libre à eux d’en faire leur livre de chevet, ou de le jeter aux oubliettes, ou à la poubelle….
Un commentaire sur le SILA 2008 (Salon International du Livre d’Alger )?
Révolté. Je n’appellerai pas ça un Salon du Livre, mais un Salon de l’Autodafé des Livres. Le livre fera toujours peur aux tyrans, comme il avait déjà fait peur, par le passé, à Franco, à Hitler et consorts. Ce n’est pas aujourd’hui que les mœurs des despotes changeront. Les mots peuvent écorcher, blesser et assassiner, autant que les armes. Ce sont les livres qui dévoilent la débilité et le règne bouffonesque des tyrans. Ce sont aussi les livres qui prévoient la chute et l’éboulement de ces derniers. Mais ils oublient souvent ceci : On peut brûler un livre, mais pas les idées. Les idées resteront, elles survivront aux conneries. Les idées sont immortelles. Du livre, seules les feuilles peuvent être brûlées, pas les idées… Nos gouvernants maîtrisent bien le métier de la censure. Leurs ciseaux les ont bien affûtés depuis l’indépendance. Le livre a été toujours leur ennemi. Peur eux, le livre est un objet immoral, blasphématoire, impénitent, voué à l’autodafé, s’il ne fait l’apologie de l’étroitesse de leur esprit et de leur fanatisme religieux, s’il ne fait l’éloge de leur absolutisme funeste…Je suis révolté, cependant je n’en suis aucunement choqué, c’était prévisible…C’est lâche et c’est bas…Les dirigeants algériens n’édifieront pas de Panthéon à leurs écrivains, ils leur dresseront des bûchers…
Comment réagir à cette censure ?
J’espère que les écrivains et éditeurs qui ont participé à cette édition ne prendront plus les vessies, offertes par les potentats d’Alger, pour des lanternes; car ce salon est un leurre, un trompe-l’œil, une imposture. Pour répondre à votre question, je dirai que le moyen le plus efficace, - le moins coûteux aussi - dont les écrivains pourraient en abuser c’est le boycott. Boycotter à l’unanimité la prochaine édition. Pour montrer à la communauté internationale que ce Salon n’est qu’une parodie de Salon du Livre, qu’il n’est que de la poudre aux yeux des passionnés du livre. Les écrivains doivent agir ensemble: que l’un d’eux soit victime de censure, tous les autres se lèvent comme un seul homme en refusant d’y prendre part. La liberté d’expression est un droit absolu pour tous. De quel droit interdit-on un livre plutôt qu’un autre ? Sur quelles bases décide-t-on de censurer un auteur ? Pour moi, il n’y a pas censure justifiée, de censure tolérée. Toute censure est abjecte. C’est la censure qui est immorale, ce n’est pas livre. Au risque d’en choquer plus d’un, je dirai ceci: je ne suis pas seulement pour la liberté d’expression, mais je suis aussi pour la liberté à l’injure...
Des projets littéraires à venir ?
Oui, beaucoup. Les projets ne manquent pas. J’ai mon deuxième roman Nos oiseaux meurent au printemps qui est presque fin prêt, qui parle de la violence islamiste en Algérie conjuguée à la dictature du pouvoir central, mais aussi de mon identité, de l’espoir de mon peuple, de la colère des miens, de l’exil, de l’amour... Et une pièce théâtrale que je suis en train de peaufiner sur la situation des droits de la femme dans le monde. Sur les femmes excisées, violées, voilées, muselées, mutilées, vendues, exposées, reléguées au rang de chiennes de compagnie…Bref, toutes les femmes qui n’ont pas droit de cité auront voix au chapitre dans ma pièce… Mon souhait, mon plus vif souhait, est de faire jouer des femmes victimes des lois iniques imposées par des traditions moyenâgeuses, par des doctrines et dogmes religieux machistes et obsolète…
Avez-vous une autre passion que l’écriture ?
Oui, la peinture et le théâtre... Pour la première passion, j’aimerais reprendre au plus vite le pinceau ; mais ce n’est pas pour demain… Car l’écriture a tout absorbé. Sans l’écriture, je ne serais qu’une modique chenille rampant dans le fleuve agité de mon inconsistance…
Le mot de la fin Karim ?
Je remercie Kabyle.com de m’avoir donné cette précieuse occasion de m’exprimer et que vivent la littérature en particulier et l’art en général.
Entrevue réalisée le 2 novembre 2008 à Montréal
Par T.Ould-Hamouda - Kabyle.com
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TIDAK N NA FA ENTREVUE
11/11/2008 16:11
Tidak N na Fa recevra certainement le "Prix de la meilleure réalisation amazighe" de la dernière décennie. Présentée pour la 4ème fois à Montréal, la pièce fait toujours salle pleine. Pleine d'humour et de sagesse, elle nous transporte durant un laps de temps, vers nos villages où l'on retrouve nos grands-mères et nos mères si loin de nous.

Kabyle.com Montréal : Azul a Mas Sekhi , Bravo pour le succès remporté par votre pièce de théâtre « Tidak n Nna Fa »...
Mas Sekhi : Azul. Merci à vous d’informer le public de ce qui se passe sur la scène culturelle au Canada et de faire connaître notre travail. Vous êtes le lien entre le public et l’artiste et sans le public aucune œuvre, aussi exceptionnelle soit elle, n’existerait. Ici au Canada, et de façon générale dans tous les autres pays d’accueil, notre public est forcément restreint. Une bonne information est encore plus indispensable. Merci de contribuer à la diffusion de l’information sur la création artistique.
Votre pièce, présentée pourtant pour la 4ème fois à Montréal, vient de remporter un succès fou à voir le nombre de personnes venues et surtout les DVD qui se sont envolés en l’espace d’un laps de temps, comment prenez-vous ce succès ?
Je le prends comme un encouragement à continuer et à mieux faire. Quand le public répond, cela veut dire qu’on est sur la bonne voie. Ce n’est pas rien quand on sait que l’art, surtout lorsqu’il s’agit de théâtre, passe par des chemins très escarpés et sans les encouragements du public, il n’est pas facile de continuer à penser que le chemin puisse un jour déboucher quelque part.
Vous avez évoqué l’accueil que le public a fait à la pièce « Tidak n Nna Fa », je voudrais mentionner que durant les quatre représentations, les acteurs et le public étaient en communion. Il a été complice sur tous les registres de l’émotion, il a embarqué dans les moindres nuances. Durant la dernière représentation, le public nous a réservé une surprise de taille! Durant le deuxième acte, lorsque Nna Fa évoquait à sa façon l’admirable courage de nos grand-mères, il y a eu spontanément une salve de taghratin (youyous) dans la salle. C’est un moment qui compte dans la vie d’un artiste.
Les différentes représentations m’ont aussi confirmé qu’il ne faut jamais sous- estimer la capacité du public à saisir les nuances. Il n’a pas besoin qu’on lui tienne la main. Ou sinon, c’est que quelque chose ne va pas dans l’œuvre elle-même.
Je dois aussi ajouter que la qualité de l’organisation d’un événement peut aussi rehausser sa valeur et je dois signaler le professionnalisme de Mourad Mohand-Said qui est derrière l’organisation des activités de la troupe Nna Fa.
Nul ne peut vous remplacer dans l’interprétation du rôle de la vieille, pouvez-vous nous expliquez, sachant que vous n’avez jamais fait l’école de théâtre, d’où vous vient « ce don naturel» ?
Aucun des acteurs de « Tidak n Nna Fa », n’a jamais fait de formation. En fait, je vais vous faire un aveu : ni Hocine Toulait ni Djouher Sekhi ni moi-même n’avons jamais fait de théâtre de notre vie avant « Tidak n Nna Fa »! Quand j’y pense je me dis que c’était plutôt téméraire. Mais ne dis-t-on pas que la foi soulève des montagnes? Pour ma part je crois que notre cerveau fonctionne comme une éponge et qu’il enregistre bien des choses à notre insu : des expressions, des mimiques, des attitudes et des intonations…
C’est ce qui s’est passé pour moi. J’étais très proche de ma grand-mère et par ricochet, proche des vieilles personnes en général. Une fois que le lien de confiance est établi, c’est incroyable les trésors que l’on peut découvrir pour peu que l’on enlève ses lunettes de lettré et que l’on épouse leur perspective et leur interprétation de la vie. On interprète les choses et la vie en général selon les outils dont on dispose. C’est ça la différence. Et une interprétation en vaut une autre. Puisque vous évoquez la façon dont a été interprété le personnage de Nna FA, je voudrai ajouter que toute la pièce est un hommage à nos grand-mères et je pensais que l’ultime façon pour moi de rendre hommage à la mienne était de jouer moi-même le rôle de Nna Fa. Je suis heureux que le public ait senti cet élan et qu’il m’ait approuvé en quelque sorte.
Votre performance incroyable dans l’utilisation du verbe kabyle que ce soit en poésie, en proverbes ou carrément dans les jeux de mots a impressionné plus d’un, comment arrivez-vous à manier avec une telle facilité notre langue?
Je dirais que c’est parce que j’ai toujours senti que les vielles personnes ont à dire beaucoup plus que nous leur prêtons. Si on est conscient de cela (ceci est encore plus vrai dans le cas de notre langue) et pour peu que l’on ait un peu l’amour des mots, cela vient tout seul. Oui je pense que le secret c’est de voir la magie des mots et d’aimer sa langue sans complexe. Avec ses carences et ses miracles, comme toutes les langues en somme. Il y a aussi une question d’attitude : considérer les langues comme complémentaires et non exclusives surtout lorsqu’on est bilingue par la force des choses comme c’est notre cas.
Avez-vous présenté "N na Fa" ailleurs qu’au Canada ?
Non pas encore. Nous sommes en contact que ce soit pour l’Algérie, la France ou les États-unis, mais nous demeurons ouverts à toute proposition. Le souhait de toute l’équipe et de faire voir la pièce à un maximum de gens. Nous espérons que Nna Fa ait une longue vie et qu’elle soit adoptée comme grand-mère par beaucoup de monde.
A votre avis, comment se porte le théâtre kabyle?
J’espère que dans l’avenir nous parlerons de théâtres Kabyles. Je veux dire qu’il va se diversifier comme l’a fait la chanson et la poésie. Pour ma part, je ne me sens pas capable de parler du théâtre kabyle, mais mon désir et de pouvoir contribuer aussi modestement que cela puisse être. En ce qui me concerne, je pense que lorsqu’on écrit, du théâtre ou autre chose, on doit suivre son instinct, sans se préoccuper de genre ni de forme. C’est au public de faire le tri.
Quelle est votre prochaine pièce de théâtre?
Elle est prête. Nous allons commencer les répétitions bientôt. Bien que l’humour soit toujours omniprésent, elle va évoquer certains des problèmes qui nous affectent que cela soit au niveau individuel ou au niveau social : le manque de communication, la place de la femme, le conflit des générations, le traditionnel et le moderne, la place de la langue…Mais toujours dans l’humour, ce merveilleux véhicule qui permet parfois des raccourcis de cœur à cœur .
Serait-elle bientôt disponible sur scène ?
C’est une pièce avec 5 personnages, ce qui rend la mise en scène et la préparation un peu plus complexe que pour « Tidak n Nna Fa ». Peut être ce printemps, peut être un peu plus tard.
D’autres projets en vue ?
Oui, certainement. J’ai un livre, en kabyle, chez un éditeur. C’est un livre qui en partie reprend quelques textes qui ont servi de base à l’émission « Abruy » diffusée sure la télévision berbère, ainsi que beaucoup de textes inédits. Le livre s’appelle d’ailleurs « Abruy…tirect ». J’espère qu’il sera bientôt disponible. J’ai aussi quelques autres projets pour le théâtre.
Votre mot de la fin M. Sekhi ?
Merci à tous ceux qui ont aidé a promouvoir la pièce « Tidak n Nna Fa » et qui n’ont pas ménagé leurs efforts. Je parle aussi bien des individus que des sites web ou des radios. En ce sens, l’aventure « Tidak n Nna Fa » est un superbe exemple d’entraide. Bien entendu, tout cela ne serait qu’un rêve sans le public.
Tanmirt a mas Sekhi.
Entrevue réalisée le 18 octobre 2008 - Par T. Ould-Hamouda
(Après la présentation de « Tidak n Nna Fa »)
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MEDJAHED HAMID
11/11/2008 00:38
MEDJAHED HAMID À L’EXPRESSION «Chérif Kheddam me révéla la chanson kabyle...» 21 Mai 2008 - Page : 20 Lu 1468 fois
«Je considère que le retour de Nouara est très attendu. Ce sera un événement exceptionnel», nous confia l’artiste.
Auteur-compositeur, interprète et producteur d’émissions, Medjahed Hamid est né le 6 février 1949 à Alger (la Casbah). Il capitalise un répertoire de 34 chansons à la Radio Chaîne II. Sa première chanson a été enregistrée le 29 décembre 1969 et la dernière le 20 juin 1998. Ses chansons ont été enregistrées à la RTA sous la direction de différents chefs d’orchestre: le regretté Maâti Bachir, Aliane Touhami, Teysir Akla, Mahmoud Aziz, Abdellah Kriou, Mohamed Mokhtari, Kamal Hamadi et Mohamed Guechoud. Il a composé des musiques à de nombreux artistes dont Nouara, Djida, Mouloud Habib, les regrettés Dahbia et Taous, Aït Meslayen, Karima, Meziane Rachid, Ouardia Aïssaoui et Nada Rihane. Il a produit, en outre, plusieurs émissions de variétés à la Radio Chaîne II dont la dernière Les chansons de demain de 1984 à 2004. Par cette émission, il a découvert plusieurs chanteuses et chanteurs...Enfin, il vient d’éditer chez Maâtkas Musique et ce, pour la première fois après 37 ans de carrière, trois volumes CD+K7. Dans cet entretien, Medjahed Hamid revient sur cette riche carrière et évoque avec nous ses projets et donne son point de vue sur la chanson kabyle d’aujourd’hui.
L’Expression: Vous êtes musicien, compositeur de chansons kabyles et pas seulement. Vous venez, après plusieurs années dans la musique, d’enregistrer trois CD. Pourquoi maintenant? Medjahed Hamid: L’édition de ces trois volumes est venue suite à la demande du public. Je n’ai jamais pensé éditer, pour des questions de principe. J’ai commencé en 1969. D’ailleurs, le directeur de L’Expression et moi-même nous nous connaissons depuis cette date. Il a suivi tous les galas qu’on avait faits dans le temps. Je ne me considère pas comme un chanteur à vocation commerciale. Je pratique l’art pour l’art. J’ai la chance d’avoir mes fonctions ailleurs, en dehors de la musique. J’ai travaillé dans des ministères, des compagnies françaises, notamment de pétrole...
Et comment êtes-vous venu à la musique? Ce sont les notes de musique qui sont venues à moi. En sortant de l’école, j’ai entendu des sonorités dans un endroit, aux environs de la Casbah, où il y avait des anciens musiciens qui jouaient. J’allais souvent y assister. J’avais 7 ans. C’est comme ça que j’ai été attiré par la musique. Je suis plus versé dans la composition musicale que dans la poésie ou l’écriture. Je suis kabyle né à Alger. J’ai commencé à m’exprimer en kabyle, à l’âge de 20 ans. Au début, je m’intéressais beaucoup plus à la chanson algéroise, du style Amar Ezzahi, Boudjemaâ El Ankis, El Anka. Au fur et à mesure que j’avançais en âge, j’approfondissais mes connaissances en matière musicale par la lecture de livres. Je joue de tous les instruments à cordes, à part le violon et un peu le piano. Je me suis mis à apprendre le solfège, à fréquenter des musiciens, à connaître les modes, à écouter l’oriental, l’occidental. J’ai découvert les Jean Ferrat, Cat Steven, Faïrouz, Blaoui Houari, Mahboub Bati, que Dieu ait son âme. Chérif Kheddam pour le kabyle. Grâce à lui, j’ai découvert qu’il existait de grands compositeurs kabyles. Chose que j’ignorais. C’est à ce moment que je me suis demandé qui j’étais, d’où je venais? et j’ai décidé d’apprendre la langue kabyle. Je maîtrisais déjà la composition musicale.
Et la composition est venue comment? Par l’amour de la musique, de la recherche et de la création. J’ai commencé par le chaâbi puis j’ai découvert de grands noms de musiciens égyptiens, libanais, je me suis mis à l’oriental et leur rigueur technique, contrairement à nous. Donc j’avais ce don. J’ai participé à la première émission, à la Chaîne II, intitulée «Le music hall, à la radio». J’ai retrouvé au sein de l’orchestre, certains musiciens que je connaissais quand j’étais jeune. Ces musiciens ont été mes premiers auditeurs. Je me suis dit que s’ils me reconnaissent en tant que bon musicien, c’est que je peux apporter quelque chose. Cela m’a encouragé à aller de l’avant. Voilà comment je suis venu à la musique. C’est la musique qui m’a emmené à la langue kabyle, je tiens à le préciser. Ensuite, j’ai effectivement produit plusieurs émissions musicales à la Chaîne II. Une dizaine d’émissions de variétés, uniquement musicales. La dernière que j’ai commencée en 1984 et terminée en 2004, c’était l’émission des chanteurs amateurs, autrement dit les chanteurs de demain, qu’on connaît aujourd’hui. Parmi eux, je peux citer Mohamed Allaoua, Nadia Baroud, Brahim Tayeb, Nada Ruhan, Zohra, Hakim Tidaf, Karim Yeddou, Hamid Almas, Kamel Imoula, Boualem Boukacem et beaucoup d’autres. J’ai, durant cette vingtaine d’années, auditionné environ 10.000 jeunes. A la discothèque de la Radio, il y a environ 300 chanteurs valables, même si la plupart n’ont pas émergé, mais ils le seront sans doute, comme moi, plus tard.
Votre actualité est donc faite aujourd’hui de la sortie de trois volumes de CD retraçant votre carrière musicale. Pourriez-vous nous dire ce que nous pouvons retrouver sur ces CD? Le premier volume est sorti début mai 2007, le deuxième, en octobre 2007 et le dernier, courant avril 2008. En tout, il y a 20 chansons et un instrumental. La première chanson a été enregistrée en décembre 1969. L’avant-dernière en 1981. Puis, je me suis arrêté pour me consacrer aux émissions de radio. En 1998, j’ai fait une chanson qui figure sur le premier CD. Cela est le répertoire qui existe à la Radio. Ce sont toutes mes anciennes chansons qui datent de 1969 à 1981, sauf une qui date de 1998. Ces trois CD sont disponibles sur le marché et édités chez Maâtkas Musique. Comme je vous l’ai dit, je ne pensais jamais éditer. Pourquoi? Parce que j’ai été piraté et d’une manière un peu spéciale. On pirate en général celui qui a été édité. Le pirate ou les pirates ont eu accès à la Radio. Cela m’a agréablement surpris. Cela voulait dire que ma musique marchait. Ces pirates avaient devancé les éditeurs. Avec la sortie de ces trois albums, avec des CD pressés, en plus d’une belle jaquette, en noir et blanc -la réminiscence de ma jeunesse- les pirates ne me piratent plus. Puisqu’ils m’ont piraté avec un MP3, d’une qualité douteuse, ils ne pourront plus le refaire. Je les ai devancés. En noir et blanc, aussi pour répondre à certains qui se trompent en disant que les anciens sont dépassés. Pour preuve, les chansons modernes que j’ai composées datent de 1974. Je suis quelqu’un qui touche à tout. Quand j’étais jeune je me suis lancé un défi, d’ailleurs, il y a une chanson qui parle de ça. Je considérais que ce que je faisais quand j’étais jeune était beau, et que les gens n’étaient pas réceptifs. Je me suis toujours dit, viendra le jour où ils me comprendront en retard. C’est arrivé puisqu’aujourd’hui, on me demande d’éditer ces oeuvres, que ce soit le public ou mes collègues, artistes ou amis.
Vous travaillez aussi à la Télévision. Oui, j’apporte mes connaissances sur le plan artistique à plusieurs émissions télé et plateau.
Que pensez-vous de la chanson kabyle d’aujourd’hui? Je suis optimiste. Même s’il ne reste que cinq chanteurs, ces derniers pourront apporter quelque chose à la chanson kabyle. Ce qui me désole, et je ne veux pas empêcher les gens de s’exprimer, ils ont le droit de chanter ce qu’ils veulent, le non-stop et les reprises; mais ce qui me fait peur, c’est le fait d’oublier la création. Or, les anciens, composaient des chansons. Ceux d’aujourd’hui, pour la plupart, cherchent à faire des reprises, soi-disant en hommage à tel ou tel. C’est au détriment de la création. C’est cela qui me fait mal. Aux chanteurs qui font ravage aujourd’hui, je leur pose la question: est-ce que la génération future dans 30 ans, leur rendra hommage et les découvrira comme nous avons été découverts jadis? Pour ce faire, il faut qu’ils commencent à y penser dès maintenant. Voilà le message que je veux passer aux jeunes. La chanson kabyle n’est pas malade, mais ce sont certains chanteurs qui le sont. Il faut bannir la médiocrité pour que fleurisse la qualité. Ceux qui sont valables se reconnaîtront d’eux-mêmes. Je préfère ne citer personne. J’ai donné mon avis pendant vingt ans. J’étais seul juge, dans mon émission. Je crains qu’en disant à quelqu’un, tu es très bien, qu’il se repose sur ses acquis et ne cherchera plus à s’améliorer et, par conséquent, stagnera...
Vos projets? Nous ne sommes pas en train d’enregistrer. On est en train de préparer des chansons pour la grande Nouara, dans un atelier et ce, depuis deux ans, avec la participation de Abdelmajid Bali, le parolier et moi-même. On est arrivé à sept chansons. Je peux dire que dans une année, nous serons fin prêts. Parce que nous, on travaille doucement mais sûrement. Je considère que le retour de Nouara est très attendu. Ce sera un événement exceptionnel. Il fera la grande joie de tous ceux qui aiment Nouara.
Propos recueillis par O. HIND
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LOUNIS AIT-MENGUELLET
10/11/2008 19:54
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FERHAT MEHENNI - BIOGRAPHIE
09/11/2008 20:07
Ferhat Mehenni, né le 5 mars 1951 à Illoula, Wilaya de Tizi Ouzou (Algérie), est un chanteur et homme politique Algérien.
Diplômé en sciences politiques de l'université d'Alger, Ferhat Mehenni fait sa percée dans le monde musical en 1973 en remportant avec son groupe "Imazighen Imoula" le premier prix du Festival de musique moderne d'Alger.
Il commence alors sa carrière de chanteur contestataire, hostile à la fois au pouvoir et aux islamistes. Arrêté en 1977, il le sera une douzaine de fois encore par la suite. En 1980, il est parmi les 24 détenus. Condamné à trois ans de prison ferme en 1985, il est gracié en 1987.
Présent dans le Vol AF 8969 d'Air France détourné en décembre 1994 par des membres du GIA, il en réchappe grâce à l'action du GIGN.
Cet homme est l'un des quatre fondateurs, avec feu Mustapha Bacha, Mokrane Ait Larbi et Said Sadi du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Il en a démissionné fin mai 1997.
Quant au MCB-Coordination nationale, qu'il crée lui-même le 4 avril 1993, il est vrai que Said Saadi lui avait fait un coup d'État vers la fin du boycott scolaire (1995). Ceci n'avait pas découragé pour autant cet infatigable militant de la cause amazighe puisqu'il avait aussitôt créé le MCB-Rassemblemnt national.
En 2001, suite aux assassinats de jeunes algériens du Printemps Noir par la gendarmerie algérienne, il prôna comme solution à la sortie de crise dans laquelle se débat depuis l'Indépendance l'Algérie, l'autonomie régionale. À cet effet, il a fondé le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie. L'assassinat de son fils aîné Ameziane, le 19 juin 2004 à Paris, qui n'a pas été élucidé est peut-être lié à son engagement autonomiste selon lui.
Son intervention musclée lors du colloque Afidora à l'Assemblée Nationale, particulièrement médiatisée, a eu un important retentissement en Algérie.
Ferhat Mehenni est l'auteur d'un livre, Algérie : la Question kabyle, publié en 2004 à Paris aux Éditions Michalon, où il exprime ses convictions autonomistes pour la Kabylie.
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TIMLILIT IMAZIGHEN
08/11/2008 05:17
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Karim AKOUCHE : "Les dirigeants algériens n’édifieront pas de Panthéon à leurs écrivains, ils leur dresseront des bûchers…"
04/11/2008 05:29
11/02/2008 - 15:42 — tassadit
Entrevue avec Karim Akouche - Les Baisers du fantôme.
Bien dans sa peau, les yeux pleins d'intelligence, rebelle, sensible mais résolument perspicace, Karim Akouche, romancier prometteur a toutes les qualités malgré son jeune âge pour prétendre à une place confortable dans le Panthéon universel des lettres. Nous l'avons rencontré à Montréal, il a bien voulu répondre à nos questions.

Kabyle.com : Azul a Karim et bienvenue à Kabyle.com.
Karim AKOUCHE : Azul et merci pour votre invitation
Qui est Karim Akouche ? Pouvez-vous vous présenter aux internautes de Kabyle.com ?
Je suis un écrivain naissant, un poète embryonnaire. Ma religion c'est la littérature. Je suis originaire de Kabylie. J'ai 29 ans. Les éditions P.I.T (Pax In Terris) ont publié mon premier roman, Les baisers du fantôme, au mois d'août dernier.
Votre premier livre a fait une très belle entrée dans le domaine de la littérature francophone et ne laisse personne indifférent ne serait-ce qu'en évoquant le titre. Pourquoi avoir choisi "Les baisers du Fantôme?»
Ce titre est ambivalent. C'est la conjugaison de la douceur et de la violence, de la candeur et de l'artifice, du noir et du blanc. Le baiser c'est l'eau de rose. Le fantôme c'est la piqure de l'ortie. Ce titre annonce d'entrée de jeu les couleurs de ce roman : la lutte infernale entre le mal et le bien, entre la lumière et les ténèbres, entre l'amour et la haine. À qui reviendrait le dernier mot ?
"Les baisers du Fantôme" commence par une tragédie : l'assassinat de Leila le jour de son mariage et par le grand malheur qui frappe Yaniv. Vous décrivez ce drame avec authenticité telle que l'on s'imagine que vous l'avez vécu vous-même
Ce roman n'est pas une autobiographie, mais il n'est pas non plus dénudé d'éléments autobiographiques. Je n'aime pas l'autobiographie pour la raison suivante: elle est la profusion du kitch, de m'as-tu-vu, de regarde-moi-je-suis-un-héros… Dans chaque autobiographie, il y a une part de vanité, ou d'arrogance. La très grande partie de ce roman est le produit de mon imagination. Je suis le créateur de ces personnages, auparavant ils n'ont jamais existé…Je les ai élevés et nourris. Ils me sont très familiers. J'ai souffert et pleuré avec les uns, comme j'ai hurlé et me suis révolté contre les autres. Parfois les personnages échappent à leur inventeur. C'est rare que ce dernier arrive à les maîtriser. Yaniv, le narrateur, m'a-t-il échappé, m'a-t-il renié ? Je ne saurai vous le dire…Je crois que la force de l'écrivain consiste à faire de la fiction une réalité. L'histoire de ce roman est une fiction, elle est à mi-chemin entre un drame shakespearien et une élégie gréco-romaine…
Comment « Les baisers du fantôme » a été accueilli par les lecteurs ?
J’ai eu des retours très positifs, pour ne pas dire élogieux ou dithyrambiques… J’ai reçu plein de messages de lecteurs séduits par mon style, par mon écriture…C’est encourageant. Mais, je m’interdis toute forme d’euphorie. Je ne suis qu’un écrivain naissant, un poète embryonnaire. Les étoiles ne sont pas à la portée de tout le monde, elles appartiennent à ceux qui veillent tard…Je dois encore veiller et suer avant de mériter congratulations et éloges. Je sais que le chemin est encore long, semé parfois d’embûches ; mais surprenant et bigarré. J’ai endossé mon attirail de mots et je me sens prêt à le sillonner, en toute sérénité. L’aventure en vaudra la peine. Tous les encouragements que j’ai reçus me donnent de l’énergie d’aller de l’avant, loin, plus loin encore…Je dois me surpasser, dénicher au plus profond de moi les mots et les sons les plus improbables et les combiner pour en construire une œuvre forte et aboutie… Creuser et chercher dans mon for intérieur les émotions, les douleurs, les souffrances... Chercher les perles rares pour en faire des colliers exceptionnels…
L’écriture de votre roman vous a pris combien de temps ?
Un peu plus de deux mois, je crois. Je suis prolixe me diriez-vous. Mais, avant d’accoucher cette œuvre, je l’ai portée d’abord en moi, dans mes entrailles…Les personnages de ce roman m’ont habité depuis longtemps, et souvent, ils me hantaient. J’ai porté ce roman dans mes tripes comme la femme son bébé dans le ventre…Puis vient l’accouchement…L’accouchement était douloureux, émouvant, excitant et extraordinaire… Mais, je ne suis pas un romancier qui pratique l’écriture de toute hâte, pressée, sans délai, qui gribouille tout et n’importe quoi…Tout passe par l’œil et par le flair. J’observe tout. J’analyse tout. Je suis attentif à tout. En d’autres termes, je suis un chasseur de gestes, un braconnier de comportements. J’essaie de sonder l’âme humaine par mes propres mots. Je peins avec les mots. Mes touches sont des mots… Mes couleurs sont des mots…L’écriture est la peinture de l’âme, comme elle est aussi la mélodie du cœur…
Qu’est-ce que vous ressentez quand vous écrivez ?
Écrire est un exercice qui me procure bonheur et félicité. Quand j’écris, je suis le plus heureux au monde. Car je suis en train de créer « mon monde à moi », mes personnages et les différents facteurs qui régissent leur vie. Je leur impose des rôles, je leur attribue des fonctions ou les licencie, à mon gré. J’invente leurs familles, leurs amis, leurs émotions…On dit de celui qui invente le monde est un créateur… Alors, je joue au petit dieu, au démiurge – c’est moins vaniteux (rire…) Il y a toujours chez l’écrivain cette prétention, souvent exagérée, de concurrencer les dieux...Mais, je ne suis pas naïf, je ne m’inscris pas dans cette vision altière… Pour moi, écrire c’est exister….Ou mieux encore : j’écris pour ne pas mourir, pour ne plus mourir…
Écrivez-vous le jour ou la nuit ?
J’écris plutôt la nuit... Mais, il m’arrive aussi d’écrire le jour…Je crois que cet exercice désobéit à toutes les lois de la nature. Il n’obéit ni au temps, ni à l’espace. Il est intemporel. Il est hors temps tout en étant dans le temps. Il est hors espace tout en étant dans l’espace… Bref : l’écriture a horreur de l’obéissance. Elle est indomptable… Mais paradoxalement, c’est avec l’écriture que j’arrive à dompter les démons qui sommeillent en moi, et à bercer les anges qui volent tout autour de moi…Les mots ont plein de vertus : des vertus cathartiques, exorcistes, alchimistes … Hugo avait écrit dans Les contemplations : Les mots sont les passants mystérieux de l'âme… Quelle belle description pour parler des mots avec de si beaux mots !…
Quels sont les auteurs qui vous ont le plus marqué ?
La liste est longue…Milan Kundera, Mammeri, Feraoun, Goethe, Mimouni, Jean Amrouche, Sansal, Kateb Yacine, Camus, Sartre, Gary, Comac McCarthy, Amos Oz, Aimé Césaire, Garcia Lorca, Hikmet, Neruda, Oscar Wilde, Dostoïevski, Tolstoï, Nabokov, Gogol, Thomas Mann, Faulkner, Steinbeck, Flaubert, Maupassant… Pour les uns, parce qu’ils ont l’art de mettre toute leur âme dans leurs œuvres… ils ne savent pas tricher… Ils savent bien décortiquer « l’insoutenable légèreté de l’être »…Pour les autres, j’aime leurs écritures, parce qu’ils osent réinventer, non sans arrogance, le monde avec leurs propres mots…Et ils le font si bien…
Depuis quand écrivez-vous ?
J’ai commencé à écrire dans ma langue maternelle, le kabyle. j’étais à peine plus grand qu’une asperge. J’avais alors 13 ans. Ce n’était pas vraiment de l’écriture… C’était du gribouillage. Je notais par-ci un quatrain, souvent vain, par-là un bout de poème, parfois réussi…Ainsi, j’ai commencé à rafistoler des bribes de poèmes… Puis, au Lycée, après avoir dévoré d’un trait Les fleurs du mal de Baudelaire, j’ai commencé à écrire des poèmes dans la langue de Molière…
Quelle sensation avez-vous ressentie une fois votre livre achevé ?
Une fois le livre achevé, c’est le soulagement. Après l’accouchement, on flotte sur un nuage : on prend son nouveau-né dans ses bras, on le berce, on le dorlote, on le bichonne et on lui caresse les joues (rire)…Une fois le livre publié, il n’appartiendra plus à l’auteur, il est à ses lecteurs…Libre à eux d’en faire leur livre de chevet, ou de le jeter aux oubliettes, ou à la poubelle….
Un commentaire sur le SILA 2008 (Salon International du Livre d’Alger )?
Révolté. Je n’appellerai pas ça un Salon du Livre, mais un Salon de l’Autodafé des Livres. Le livre fera toujours peur aux tyrans, comme il avait déjà fait peur, par le passé, à Franco, à Hitler et consorts. Ce n’est pas aujourd’hui que les mœurs des despotes changeront. Les mots peuvent écorcher, blesser et assassiner, autant que les armes. Ce sont les livres qui dévoilent la débilité et le règne bouffonesque des tyrans. Ce sont aussi les livres qui prévoient la chute et l’éboulement de ces derniers. Mais ils oublient souvent ceci : On peut brûler un livre, mais pas les idées. Les idées resteront, elles survivront aux conneries. Les idées sont immortelles. Du livre, seules les feuilles peuvent être brûlées, pas les idées… Nos gouvernants maîtrisent bien le métier de la censure. Leurs ciseaux les ont bien affûtés depuis l’indépendance. Le livre a été toujours leur ennemi. Peur eux, le livre est un objet immoral, blasphématoire, impénitent, voué à l’autodafé, s’il ne fait l’apologie de l’étroitesse de leur esprit et de leur fanatisme religieux, s’il ne fait l’éloge de leur absolutisme funeste…Je suis révolté, cependant je n’en suis aucunement choqué, c’était prévisible…C’est lâche et c’est bas…Les dirigeants algériens n’édifieront pas de Panthéon à leurs écrivains, ils leur dresseront des bûchers…
Comment réagir à cette censure ?
J’espère que les écrivains et éditeurs qui ont participé à cette édition ne prendront plus les vessies, offertes par les potentats d’Alger, pour des lanternes; car ce salon est un leurre, un trompe-l’œil, une imposture. Pour répondre à votre question, je dirai que le moyen le plus efficace, - le moins coûteux aussi - dont les écrivains pourraient en abuser c’est le boycott. Boycotter à l’unanimité la prochaine édition. Pour montrer à la communauté internationale que ce Salon n’est qu’une parodie de Salon du Livre, qu’il n’est que de la poudre aux yeux des passionnés du livre. Les écrivains doivent agir ensemble: que l’un d’eux soit victime de censure, tous les autres se lèvent comme un seul homme en refusant d’y prendre part. La liberté d’expression est un droit absolu pour tous. De quel droit interdit-on un livre plutôt qu’un autre ? Sur quelles bases décide-t-on de censurer un auteur ? Pour moi, il n’y a pas censure justifiée, de censure tolérée. Toute censure est abjecte. C’est la censure qui est immorale, ce n’est pas livre. Au risque d’en choquer plus d’un, je dirai ceci: je ne suis pas seulement pour la liberté d’expression, mais je suis aussi pour la liberté à l’injure...
Des projets littéraires à venir ?
Oui, beaucoup. Les projets ne manquent pas. J’ai mon deuxième roman Nos oiseaux meurent au printemps qui est presque fin prêt, qui parle de la violence islamiste en Algérie conjuguée à la dictature du pouvoir central, mais aussi de mon identité, de l’espoir de mon peuple, de la colère des miens, de l’exil, de l’amour... Et une pièce théâtrale que je suis en train de peaufiner sur la situation des droits de la femme dans le monde. Sur les femmes excisées, violées, voilées, muselées, mutilées, vendues, exposées, reléguées au rang de chiennes de compagnie…Bref, toutes les femmes qui n’ont pas droit de cité auront voix au chapitre dans ma pièce… Mon souhait, mon plus vif souhait, est de faire jouer des femmes victimes des lois iniques imposées par des traditions moyenâgeuses, par des doctrines et dogmes religieux machistes et obsolète…
Avez-vous une autre passion que l’écriture ?
Oui, la peinture et le théâtre... Pour la première passion, j’aimerais reprendre au plus vite le pinceau ; mais ce n’est pas pour demain… Car l’écriture a tout absorbé. Sans l’écriture, je ne serais qu’une modique chenille rampant dans le fleuve agité de mon inconsistance…
Le mot de la fin Karim ?
Je remercie Kabyle.com de m’avoir donné cette précieuse occasion de m’exprimer et que vivent la littérature en particulier et l’art en général.
Entrevue réalisée le 2 novembre 2008 à Montréal
Par T.Ould-Hamouda - Kabyle.com

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