Cela fait six ans que tu as été tué et tes assassins courent toujours. Si, jusqu’ici, l’enquête pour faire la vérité sur le crime dont tu as été victime bégaie encore ; si elle refuse obstinément de s’orienter sur la piste politique et montre une prédilection particulière pour les faux semblants et les poubelles lui permettant de se construire des scénarios invraisemblables, nous sommes sûrs de connaître un jour ce qui s’était réellement passé dans la nuit du 18 au 19 juin 2004.
En tous les cas, ceux qui escomptaient me faire reculer en te faisant assassiner, ceux qui pensaient que par ta mort, ils allaient faire dérailler le train de la liberté du peuple kabyle, en sont aujourd’hui pour leurs frais. Contrairement à la raison d’Etat qui empêche de faire toute la lumière sur les circonstances de ton assassinat, la logique implacable de l’Histoire, elle, ne peut être enrayée.
Tu vois, mon fils, c’est même ton sang et celui des victimes du Printemps Noir de 2001, en écho à celui de tous les Kabyles assassinés pour des raisons politiques, qui nous ont insufflé cette force d’accomplir notre destin collectif de liberté.
Même si tu le vois, peut-être mieux que nous, de là où tu es, je t’annonce que le jour se lève enfin sur la Kabylie et le peuple kabyle. Partage la nouvelle avec Fadma n Summer , Cheikh Aheddad et Mokrani, dis-le à Amirouche et Abane Ramdane, à Mammeri, Feraoun, Amrouche et Tahar Djaout, à Krim Belkacem et Mecili, à Bennaï Ouali, Mbarek At Mangellat et Amar At Hammuda, dis-le à Mohand Uharun , Bessaoud Mohand Arav et Matoub Lounes, dis-le à tous les cimetières et les charniers de la liberté dont regorge le monde. Annonce-leur la bonne nouvelle : le premier gouvernement kabyle de l’histoire a été installé le 1er juin 2010.
Même si cela s’est fait en France, cela n’est qu’un premier pas vers la terre qui l’a rêvé : La Kabylie.
Hier, la France, elle-même, commémorait l’appel du 18 juin 1940 lancé par De Gaulle à partir de Londres. Aujourd’hui elle célèbre sa renaissance vieille de 70 ans.
La gerbe de fleurs que le Gouvernement Provisoire Kabyle vient déposer devant ton portrait est la meilleure des revanches sur les donneurs d’ordres de ton exécution. Elle illustre à elle seule la défaite de ceux qui affectionnent l’assassinat politique à la liberté des peuples.
Mon fils,
Comme tous ceux qui sont tombés pour notre dignité et notre liberté, tu resteras une étoile, scintillant éternellement dans le ciel de la Kabylie, comme celle donnant le Nord aux caravanes qui traversent la nuit. Ton nom est symbole de notre combat pour l’autonomie de la Kabylie.
Repose en paix mon fils. La vérité se fera un jour.
Une conférence ayant pour thème « Le Gouvernement provisoire de la Kabylie » donnée par le leader du Mak, M. Méhenni, le 23 mai 2010 à Montréal a eu un impact des plus favorables auprès de la diaspora kabyle du Canada.
En effet, vu l’importance de l’évènement, le public est venu nombreux pour écouter le message de M. Méhenni.
Le responsable du Mak a expliqué à l'assistance la nécessité de la mise en place d'un Gouvernement provisoire de la Kabylie (G.P.K) compte tenu de la situation qu’a connue la région et du refus du pouvoir en place de donner suite aux différentes demandes transmises par les instances du M.A.K.
À cet effet, M. Méhenni a retracé l'historique des évènements qu'a connus la Kabylie (Soulèvement de 1963, Printemps berbère, Grève du cartable, Printemps noir, Mouvement des ârouchs...) pour insister sur l'urgence de doter la Kabylie d'un gouvernement qui puisse la représenter auprès des États et des instances internationaux.Un débat s'en est suivi et plusieurs questions pertinentes ont été posées au conférencier qui a su répondre d'une manière convaincante et sereine à l'assistance.
Tel qu'annoncé par M. Ferhat Méhenni, l'installation de ce gouvernement provisoire se fera le 1er juin 2010 à Paris en présence de plusieurs invités représentants plusieurs pays. M. Méhenni a remercié le public pour son intérêt et sa solidarité. Il a également remercié les organisateurs (Association Québec-Kabylie) qui ont été à la hauteur de l’évènement.
La linguistique n’est pas ma spécialité. Toutefois, pour les nécessités de mon combat, j’ai eu à en fréquenter quelques arcanes, depuis les années soixante-dix. Comme chez la plupart des militants kabyles dits « berbéristes » ayant cheminé le long du fleuve amazigh, mes connaissances, approximatives ou approfondies dans ce domaine, m’avaient apprêté davantage à défendre le postulat de l’unité de la langue amazighe qu’à le remettre en cause. Le conflit vertical qui nous opposait au pouvoir algérien empêchait un débat horizontal, entre nous, sur ce sujet. Aujourd’hui que le combat pour l’autonomie de la Kabylie nous a ouvert les yeux sur une tout autre réalité, nous avons pour devoir de lever tous les obstacles idéologiques qui se dressent encore sur le chemin de la liberté du peuple kabyle, à commencer par ces idées sur la langue, reçues en héritage de nos aînés et dont n’ont pu s’affranchir nos devanciers sur la scène politique.
Pour avoir été un militant berbériste depuis ma tendre jeunesse, j’ai, moi aussi, ma part de responsabilité dans cette confusion des genres par laquelle nous avons tous entretenu notre propre auto-dévalorisation en tant que peuple. Que nul ne se sente visé par ces propos, c’est, avant tout, mon autocritique que je formule. Mais, « que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre ! »
Depuis environ 60 ans, les élites kabyles sont prisonnières d’une erreur d’appréciation sur notre langue, ayant nourri dans nos propres consciences un double déni :
1) Ayant cru en l’unité de la langue amazighe, nous avons soustrait au kabyle le droit à un statut de langue à part entière. Le kabyle a été, ainsi, rabaissé au rang de dialecte, de « patois », c’est-à-dire, de sous-langue.
2) Puisqu’il n’y a qu‘une seule langue, la langue amazighe, il n’y aurait donc qu’un seul peuple et une seule nation amazighe. Ceci est d’autant plus insidieux que le bon sens admet volontiers que là où il y a patois, nécessairement, il n’y a pas de peuple. La logique équationnelle établit tacitement que langue=peuple, dialecte=ethnie. La conséquence de ce raisonnement sous forme de jeu de quilles, en a été le ravalement du peuple kabyle au rang de simple « ethnie » berbère.
Quand bien même l’existence d’une langue commune n’entrainerait pas automatiquement celle d’un seul et même peuple, nous avons longtemps cru que le destin des Amazighs était un et indissociable. Nous avons même ignoré le fait que les Arabes, avec une seule et même langue, forment plusieurs peuples, nations et plusieurs États sans que cela ne les chagrine outre mesure. Chez les Amazighs, tout en étant identitairement et linguistiquement fort distincts, ils sont nombreux à s’entêter à nous projeter comme un seul peuple avec une seule langue. Il est des phantasmes à la peau dure !
Maintenant que nous savons que même une langue « amazighe » commune n’invalide pas l’existence d’un peuple kabyle parmi les Amazighs, voyons en quoi consiste la spécificité de sa langue.
Le kabyle est une langue
Il est pour le moins choquant de se retrouver devant des interlocuteurs auxquels vous devriez faire la preuve ou la démonstration de votre existence. Pour survivre, leurs catégories idéologiques et politiques sont tenues de vous tuer. Ces promoteurs ne réalisent pas que leurs idées sont révolues, qu’elles incarnent un passé inapte à garantir l’avenir et que leurs catégories jouent à des prolongations qu’elles n’ont pas méritées. Alors, tordons-leur le cou.
1) En linguistique, la parenté n’est pas l’identité
La parenté du kabyle avec les autres « idiomes » amazighs n’est plus à démontrer. Mais la parenté n’est pas l’identité. Tout comme chez les humains, les frères et sœurs linguistiques sont des individus, chacun avec sa propre identité. Autrement, nous serions dans le cas des enfants siamois dont l’un doit survivre au détriment de l’autre. Dire que le touareg est la même chose que le chleuh, que celui-ci est la même langue que le mozabite ou le kabyle est un grossier mensonge qui ne résiste même pas à la pratique quotidienne. Il y a deux ou trois ans, j’ai vu une émission sur Berbère-TV dans laquelle une journaliste kabyle est allée au Gourara interviewer des artisans bijoutiers. Notre kabyle posait des questions que les Gourari ne comprenaient pas, mais qui, devant le micro tendu, se sentaient en devoir de répondre… nécessairement à côté. La journaliste qui ne comprenait pas les réponses avait une série de questions qu’elle continuait de poser sans se soucier de ce que ses interlocuteurs disaient. Un beau dialogue de sourds pourtant tout empreint de bonne volonté de part et d’autre. Ce qui nous amène à notre deuxième thèse.
2) La langue amazighe n’existe pas, il existe une famille de langues amazighes.
Il était admis que tamazight est une langue qui regroupe tous les parlers qui lui sont apparentés dont le kabyle. Si tel était le cas, a) nous ne serions pas devant des situations aussi absurdes que celle que je viens de décrire b) où est-elle ? Sommes-nous devant le cas du latin ou celui du vieux grec qui sont encore enseignés dans les écoles en tant que langues mortes ? Non ! Nous sommes plutôt devant le cas des langues germaniques ou celui des langues slaves. Elles se ressemblent entre elles sans qu’il y ait de langue étalon comme dans le cas des langues latines. Ainsi, quand on connait le danois, l’allemand, l’anglais ou le néerlandais, on est frappé par leurs saisissantes ressemblances, mais nulle ne se confond avec l’autre, avec sa sœur. Si, un jour, une langue amazighe unique a dû exister, nous n’en avons pas encore la preuve. Pour le moment, nous assistons à l’absence d’intercompréhension linguistique naturelle entre le mozabite et le touareg, le kabyle et le chleuh… Mais peut-on en créer une qui soit une langue standard entre Amazighs ?
3) Une langue artificielle est possible en tant que mort-née
Croire que la solution est dans la création volontariste d’une langue commune aux Berbères est une autre absurdité. Bien sûr que matériellement cela est possible, mais elle serait la langue de qui ? Dans « Algérie : la question kabyle », j’avais déjà évoqué l’impasse dans laquelle nous nous mettrions en essayant de créer une langue commune sur la base de celles qui existent. Dix langues berbères auront à donner chacune 10 % pour la bâtir. Au bout du compte, nous aurions comme résultat une langue étrangère à 90 % pour chacun de nous. Dans le même registre, nous pouvons méditer sur l’infortune de l’espéranto qui, au lieu de devenir la langue internationale pour toute l’humanité, arrive à peine, quarante ans après sa création, à n’avoir que quelques milliers de pratiquants. Par ailleurs, pourquoi faut-il créer une langue commune lorsque la nature et l’Histoire nous ont si bien dotés de langues aussi belles que les nôtres ? Qui a le courage de tuer sa langue pour une autre qu’il ne connait même pas ? En ce qui me concerne, ma langue, le kabyle est si vital pour moi que je n’accepterais pour rien au monde de la changer contre une autre. Pourquoi ?
4) Le kabyle est une langue et non une « variante » du berbère
Le kabyle est la langue du peuple kabyle au même titre que le touareg est celle du peuple touareg ; le néerlandais celle du peuple flamand. Le réduire à une simple « variante » de la langue berbère est une insulte envers nous-mêmes et envers l’humanité. C’est un racisme linguistique. Utiliser la notion de « variante » d’une langue, pour en caractériser une autre, est juste une manière d’éviter de blesser ses interlocuteurs. On use diplomatiquement du mot « variante » là ou les vocables « patois », « dialecte » et autres « sabirs » susciteraient de vives réactions d’indignation et de révolte. Mais, pour revenir au kabyle, que ses détracteurs dévalorisent à souhait, connaissez-vous un patois de dix millions de locuteurs ? Un non-sens !
Sans vouloir faire violence à la linguistique que certes je ne maîtrise pas autant qu’un linguiste, ma fréquentation du monde amazigh m’a montré que le kabyle ne se confond avec aucune autre langue amazighe. En dehors de quelques mots qui sont communs dans toute famille de langues, la langue kabyle a une morphologie, une grammaire et une lexicologie distinctes de ses sœurs. La Kabylie lui a donné son cachet et le peuple kabyle son âme, à nulle autre pareille.
Conclusion
Pour aller de l’avant vers son destin de liberté, le peuple kabyle a besoin de réhabiliter sa langue et son identité. Il ne s’agit pas pour nous de l’éloigner des autres amazighs, mais de cesser de le confondre avec eux, par respect pour chacun d’entre eux et pour lui-même. Mon intervention vise à larguer les amarres de mon peuple en nous souhaitant bon vent ! Le laisser là où il est, c’est le condamner à une mort certaine.
Pour que le peuple kabyle accède enfin à une nouvelle vie officielle, le détour par la linguistique pour en briser les obstacles était pour moi une nécessité.
FERHAT MÉHENNI ET GILLES DUCEPPE - OUVERTURE OFFICIELLE DE LA FÊTE NATIONALE DU QUÉBEC - CÉLÉBRATION DE TAFSUT
18/09/2009 01:16
M. Ferhat Méhenni a accueilli M. Gilles Duceppe et M. Daniel Turp lors de la Fête Nationale du Québec célébrée par TAFSUT - Chants et danses de Kabylie au Parc Lahaie , le 24 juin 2007.
Avant de prendre le chemin du retour pour Paris, Ferhat Mehenni a lancé un ultime appel pour l'adhésion des Kabyles à son projet politique en Amérique du Nord. Le Mouvement de l'Autonomie de la Kabylie compte bien tirer profit de sa présence à l'Instance Permanente des Peuples Autochtones aux Nations Unies. Dans une entretien accordé à notre correspondante, Ferhat Mehenni suggère l'idée de ce qu'il faut bien appeler un impôt communautaire.
Azul Mas Mehenni et bienvenue à Kabyle.com
Ferhat : Azul !
T.Ould-Hamouda : Pour la première fois la Kabylie a eu une place aux Nations-Unies et en tant que représentant de la Nation Kabyle, pouvez-vous nous parler de votre intervention ?
Ferhat Menheni :C’est en effet, pour la première fois que le peuple kabyle est représenté es-qualité à cette tribune des Nations-Unies. L’Algérie qui ne reconnait même pas la Kabylie en tant que région administrative devrait en méditer la leçon. La Kabylie est arrivée à maturité pour réclamer son droit à la maîtrise de son destin. Nous ne nous arrêterons pas à cette action d’éclat. S’il faut actionner toutes les instances et l’opinion internationales pour aboutir à la reconnaissance du peuple kabyle, nous le ferons. Les martyrs kabyles de 2001-2003 réclament toujours justice. Comme celle de l’Algérie est désactivée par la loi sur l’amnistie et la « réconciliation nationale », nous allons nous adresser à la justice internationale. Certes, les moyens financiers nous manquent mais nous comptons sur la mobilisation de tous les Kabyles pour y pallier.
T. Ould-Hamouda : On annonce une visite de M. Bouteflika à Tizi-Ouzou pour les jours à venir, qu’en pensez-vous?
Ferhat Menheni : Il est vraisemblable que cette visite soit la réponse du pouvoir à notre montée au créneau contre lui à la tribune des Nations-Unies. Le faire régir de cette façon est pour nous une victoire. Ceci dit, nous sommes contre cette visite et Mr. Bouteflika n’est toujours pas le bienvenu chez nous. Le jour où il demandera pardon à la Kabylie et au peuple kabyle pour tous les crimes commis par le régime qu’il incarne, nous pourrons envisager une autre attitude.
Pour le moment, si sa santé de vieillard le lui permet, nous savons qu’il va réquisitionner les fonctionnaires pour lui faire la haie d’honneur et ramener par train et par bus quelques milliers de personnes étrangères à la Wilaya de Tizi-Ouzou pour l’acclamer en arabe dans nos rues. Pour autant, il ne trompera personne sur son attitude raciste et belliqueuse envers les Kabyles. Si, c’est un plan de développement qu’il souhaiterait annoncer, il n’a pas besoin de venir jusqu’à Tizi-Ouzou. Il peut l’annoncer de n’importe quel lieu non seulement d’Algérie, mais du monde entier, y compris depuis Genève où il est pour des oins d’urgence. Et puis, quel crédit accorder à des annonces de plans de développement économique qui n’existent même pas sur papier encore ?
T.Ould-Hamouda : Revenons à votre voyage en Amérique. Vous avez aussi rencontré les membres de la communauté Kabyle à Washington et à New-York, pouvez-vous nous faire un résumé de vos rencontres ?
Ferhat Menheni :Je suis honoré par l’accueil que la communauté kabyle m’a réservé. Aux États-Unis, ce sont les Kabyles qui habitent à Philadelphie qui ont demandé à ceux de New York d’organiser cette rencontre. Ils étaient venus même de régions ayant un décalage horaire avec le lieu du rendez-vous. J’ai salué individuellement chacun d’entre eux. Par contre à Montréal, il y a concentration de Kabyles dans cette mégalopole qui en compte environ trente mille. Il y en a quand même qui étaient venus d’Ottawa et de la ville de Québec. J’ai remarqué que les mentalités ont évolué positivement en faveur du MAK et du projet d’autonomie pour la Kabylie. La conférence à l’UQAM a été une occasion de faire le point sur notre propre histoire de ces dix dernières années. J’espère avoir contribué à en donner un éclairage objectif. Il est fort probable que je rende visite à cette communauté deux fois par an pour faire le bilan de notre action et prendre ses conseils pour les actions à venir pour l’autonomie de la Kabylie.
T.Ould-Hamouda : Une conférence a eu lieu à Montréal le samedi 6 juin et qui a eu un grand succès autant par le nombre de personnes venues y assister que par la qualité des interventions. Comment expliquez-vous cela ?
Ferhat Mehenni :Aujourd’hui, tout le monde s’est rendu compte de l’impasse qui était la nôtre en suivant, jusque là, la ligne de l’ex Mouvement Culturel Berbère se limitant à la revendication de « tamazight langue nationale et officielle ». Nous voyons qu’en tant que Kabyles, en tant que peuple, la langue est certes très importante, mais pas suffisante. Seule la maîtrise de notre destin par nous-mêmes est en mesure de résoudre les problèmes qui sont les nôtres et qui se sont aggravés au fil des décennies depuis l’indépendance de l’Algérie. Par ailleurs, la justesse de nos positions et notre fidélité à nos valeurs et à nos principes ont permis de reconstruire l’espoir là où les déceptions, voire les trahisons avaient détruit toute idée de confiance en notre classe politique. Toutes les arguties développées par les adversaires du projet d’autonomie régionale, de même que les mensonges colportés contre nous ont eu le temps de montrer leur véritable nature. L’accueil qui m’a été réservé par la communauté kabyle en Amérique a pour moi la même signification que la marche du 20 avril 2009 en Kabylie : Une adhésion à un projet crédible, portant les espoirs d’un avenir plus sérieux pour nous en tant que peuple.
T.Ould-Hamouda : Vous avez participé à la marche pour la langue française organisée par le MMF, vous avez également rencontré plusieurs personnalités politiques du Québec, pouvez-vous nous faire un résumé de ce qui a été discuté ?
Ferhat Mehenni : J’ai été invité au rassemblement du Mouvement Montréalais pour le français. J’y ai été par solidarité et j’y ai rencontré toutes les personnalités québécoises œuvrant pour la défense de la langue française au Québec. Un compte rendu sur ces rencontres va être publié demain.
T.Ould-Hamouda : On peut dire que votre mission bien que brève a été couronnée de succès, êtes-vous satisfait ?
Ferhat Mehenni : Le militant que je suis n’est jamais tout à fait satisfait de son action. J’aurais aimé faire plus que mes moyens actuels ne le permettent. Cependant, j’ai des motifs de satisfaction : Avoir réussi à faire entrer pour la première fois la langue kabyle dans le Palais des Nations Unies, début d’internationalisation de la question kabyle, développement d’un réseau de solidarité international avec le peuple kabyle, conférences et débats enrichissants pour notre cause et adhésions de nombreux cadres au MAK. Nous pouvons toujours faire mieux.
T.Ould-Hamouda : Votre mot de la fin M. Mehenni ?
Ferhat Mehenni :Je remercie les organisateurs de ces rencontres et ceux qui s’y sont rendus. Je félicite pour leur sens de la solidarité toutes celles et tous ceux qui ont cotisé pour payer mes frais de voyage. Il serait bon d’ailleurs que le réflexe de solidarité par une petite cotisation mensuelle devienne régulier.
Nous sommes sur la bonne voie. Le pouvoir algérien va réagir soit par la répression, soit par la séduction (voyage de Bouteflika en Kabylie) soit par le mensonge contre nous, comme il l’a fait avec ses journaux tels « Ennahar ». Il pourrait même les combiner ensemble. Mais du fait que nous avançons à grands pas vers notre liberté, ses réactions sont d’ores et déjà vouées à l’échec. Aussi, donnez-moi la main, j’ai besoin de l’aide de chaque kabyle.
Tanemmirt
Entrevue réalisée le 8 juin 2009 par Tassadit Ould-Hamouda
Massa Taselwayt, inevgawen n lherma, imceyâen n igherfan imenza, azul sghur Tamurt n Iqvayliyen. Meqqar d sin wawalen-a s teqvaylit di tejmaât n legnas yedduklen, ad nelli yissen tiwwura n tudert tagraghlant tunsivt i weghref aqvayli.
Madame la Présidente, honorables représentants des peuples autochtones, le peuple kabyle vous salue dans sa langue pour marquer son entrée officielle au Palais des Nations Unies, en ce mardi 26 mai 2009.
Le peuple kabyle est, depuis l’indépendance de l’Algérie (1962), le souffre-douleur du régime qui s’est imposé par la force. En stigmatisant chaque jour les Kabyles et en les désignant à l’opinion comme une grande menace sur l’unité nationale, le pouvoir algérien s’en sert comme bouc-émissaire et comme un formidable moyen de diversion politique à l’échelle du pays. La Kabylie a une forte personnalité qui lui donne une identité indissoluble dans tout ensemble politique qui ne la reconnait pas et ne la respecte pas pour ce qu’elle est.
Ainsi, les 47 années que viennent de passer ensemble ce pouvoir et la Kabylie sont faites d’un interminable bras de fer dont les apogées sont cycliques :
-Insurrection armée en 1963-65, révolte pacifique au « printemps amazigh » de 1980,
-création de la première Ligue Algérienne des Droits de l’Homme en 1985,
-Boycott scolaire durant toute l’année 1994-95
-Révolte pacifique suite à l’assassinat du grand chanteur populaire kabyle Matoub Lounès en 1998.
-Assassinat de 126 manifestants pacifiques kabyles par les gendarmes algériens en 2001-2003 auxquels s’ajoutent plus de 1200 handicapés à vie par balles réelles.
-Boycott de toutes les élections présidentielles depuis 1999 dont les dernières, le 9 avril avaient donné lieu à de violents affrontements entre les citoyens kabyles (surtout dans la région de Tuvirett : Rafur, Imceddalen, Cherfa, At Hamdun, Taqervuzt, Tazmalt, At Zellal…) et les troupes dépêchées par Alger pour voter à la place des électeurs.
-Il y a 10 jours encore, Tala Ifassen et la localité de Vouândas (Kabylie-Est) ont connu des échauffourées opposant 1600 gendarmes aux citoyens de la localité qui exigeaient le rattachement de leur localité à une circonscription administrative kabyle. Trente neuf d’entre eux viennent d’être injustement condamnés à la prison lors d’un procès expéditif dans lequel leur défense n’était pas assurée.
Il faut rappeler que si le pouvoir mobilisait ne serait-ce que 800 gendarmes pour éradiquer le terrorisme islamiste, on n’en entendrait plus parler en Kabylie, et ce, en très peu de temps.
L’oppression identitaire
Le déni d’existence opposé au peuple kabyle, l’une des premières nations de ce qu’il convient d’appeler l’Algérie, fait de son identité, de sa langue, de sa culture et de son histoire un tabou. Pour le pouvoir algérien, le Kabyle ne doit avoir ni identité, ni langue, ni territoire. La Kabylie ne devrait même pas avoir de nom puisque, d’après lui, elle n’aurait pas d’existence. Le problème nodal est donc existentiel. Selon les tenants du régime algérien, elle ne devrait exister qu’une fois son identité morte, digérée par celle d’un pouvoir raciste, antikabyle.
L’occupation militaire et l’insécurité
Actuellement, et surtout depuis les élections présidentielles de 2004, Bouteflika, le président dont l’élection a toujours été sujette à caution, a quadrillé militairement l’espace kabyle pour prévenir une insurrection armée qui n’existe que dans sa tête. Malgré cette présence massive de militaires sur notre territoire, le ministre de l’Intérieur vient d’annoncer qu’il va y déployer des renforts de gendarmes auxquels il promet une caserne dans chaque commune de la Kabylie. A-t-on une intention génocidaire contre le peuple kabyle au sommet de l’État algérien ? Nous sommes forcés de le croire dès lors que l’insécurité est savamment entretenue dans cette partie du pays où les terroristes islamistes qui y sont des étrangers se promènent en toute impunité depuis 15 ans. Les kidnappings d’entrepreneurs y sont devenus une industrie très lucrative, plus d’une vingtaine en trois ans. Les faux-barrages routiers, souvent dressés à quelques centaines de mètres de ceux, officiels, tenus par des forces conjointes de la gendarmerie et de l’armée, rackettent de pauvres citoyens dans les voitures quand ils ne donnent pas lieu à des assassinats de jeunes appelés sous les drapeaux.
Le sabotage économique
Les autorités algériennes sabotent l’économie de la Kabylie pour en affamer le peuple et le réduire à la mendicité. Cela en faciliterait la soumission et l’aliénation, la dépersonnalisation. Ce sabotage se réalise à travers plusieurs pratiques :
Obstruction à l’investissement public et privé par le refus d’agrément aux projets de création d’entreprises et d’industries viables.
Refus d’assiette de terrain devant servir à l’implantation de l’usine ou de l’entreprise de services
Refus d’accès à des devises pour l’importation de machines-outils
Pression fiscale inégalée ailleurs et par laquelle, d’une part le pouvoir écume la plus value dégagée afin d’éviter son réinvestissement, et d’autre part pour pousser les industriels qui y sont implantés à quitter la région pour d’autres cieux plus cléments.
Même l’agriculture a été prise pour cible. C’est à coups d’incendies allumés par des gendarmes et des militaires que les autorités ont anéanti en l’espace de deux ans (2007-2008) plus d’un million cinq cent mille oliviers, ces arbres mythiques dont l’espèce est endémique, remontant à des millénaires et qui font l’économie, la santé et la fierté de la Kabylie.
Ses forêts (environ 200 000 ha) sont soumises à des incendies criminels depuis plus de vingt ans sans que les autorités ne s’en inquiètent ou tentent de les éteindre. Bien au contraire, y compris lorsque les flammes lèchent les maisons, les militaires interdisent à leurs propriétaires de les éteindre. Les seules années où nos forêts n’ont pas brûlé, ce sont celles durant lesquelles la Kabylie avait chassé les gendarmes de son territoire, pendant les « événements du printemps noir 2001-2003.
La démagogie de l’Algérie à l’ONU
Démagogique, l’Algérie a souscrit à toutes les déclarations de l’ONU sur les droits humains et a même voté celle du 13 septembre 2007 sur les Droits des Peuples autochtones. Sur le terrain, elle en viole l’ensemble des dispositions.
Avec l’appui de la communauté internationale et des organes des Nations Unies chargés du respect des pactes internationaux relatifs aux droits sociaux économiques et culturels, nous espérons faire ensemble pression sur le pouvoir algérien pour que le peuple kabyle puisse jouir de l’ensemble de ses droits que seule une autonomie régionale qu’il revendique à travers le MAK, lui donnera. La marche qu’il a organisée à cet effet le 20 avril dernier à Tizi-Wezzu et qui a drainé plus de 20 000 manifestants en est une preuve édifiante.
J’en appelle personnellement à toutes les consciences éclairées de par le monde pour aider ce peuple de 10 millions d’âmes qui, même en état de légitime défense, préfère une solution politique, l’autonomie régionale, à une solution militaire.
La solution de l’autonomie est celle qui pourrait régler bien des conflits dans le monde dont celui de l’Afghanistan, du Kenya, de l’Irak, de la Côte d’Ivoire, de la Somalie ou, plus proche de nous, celui opposant l’Algérie à travers le Polisario au Maroc qui, depuis quelques années, propose avec sagesse une autonomie régionale pour la bande du Sahara anciennement colonie espagnole.
Après avoir été à l’avant-garde de l’Algérie dans sa lutte de libération nationale, la Kabylie assume avec fierté le même rôle pour nombre de peuples du monde en bute à des problèmes de déni d’existence et d’oppression identitaire et culturelle.
New York, Palais des Nations Unies, le 26/05/2009
Ferhat Mehenni
Président du Mouvement pour l’autonomie e la Kabylie
Diplômé en sciences politiques de l'université d'Alger, Ferhat Mehenni fait sa percée dans le monde musical en 1973 en remportant avec son groupe "Imazighen Imoula" le premier prix du Festival de musique moderne d'Alger.
Il commence alors sa carrière de chanteur contestataire, hostile à la fois au pouvoir et aux islamistes. Arrêté en 1977, il le sera une douzaine de fois encore par la suite. En 1980, il est parmi les 24 détenus. Condamné à trois ans de prison ferme en 1985, il est gracié en 1987.
Présent dans le Vol AF 8969 d'Air France détourné en décembre 1994 par des membres du GIA, il en réchappe grâce à l'action du GIGN.
Quant au MCB-Coordination nationale, qu'il crée lui-même le 4 avril 1993, il est vrai que Said Saadi lui avait fait un coup d'État vers la fin du boycott scolaire (1995). Ceci n'avait pas découragé pour autant cet infatigable militant de la cause amazighe puisqu'il avait aussitôt créé le MCB-Rassemblemnt national.
En 2001, suite aux assassinats de jeunes kabyles du Printemps Noir par la gendarmerie algérienne, il prôna comme solution à la sortie de crise dans laquelle se débat depuis l'Indépendance l'Algérie, l'autonomie régionale. À cet effet, il a fondé le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie. L'assassinat de son fils aîné Ameziane, le 19juin2004 à Paris, qui n'a pas été élucidé est peut-être lié à son engagement autonomiste selon lui.
Son intervention musclée lors du colloque Afidora à l'Assemblée Nationale, particulièrement médiatisée, a eu un important retentissement en Algérie.
Ferhat Mehenni est l'auteur d'un livre, Algérie : la Question kabyle, publié en 2004 à Paris aux Éditions Michalon, où il exprime ses convictions autonomistes pour la Kabylie.
Diplômé en sciences politiques de l'université d'Alger, Ferhat Mehenni fait sa percée dans le monde musical en 1973 en remportant avec son groupe "Imazighen Imoula" le premier prix du Festival de musique moderne d'Alger.
Il commence alors sa carrière de chanteur contestataire, hostile à la fois au pouvoir et aux islamistes. Arrêté en 1977, il le sera une douzaine de fois encore par la suite. En 1980, il est parmi les 24 détenus. Condamné à trois ans de prison ferme en 1985, il est gracié en 1987.
Présent dans le Vol AF 8969 d'Air France détourné en décembre 1994 par des membres du GIA, il en réchappe grâce à l'action du GIGN.
Quant au MCB-Coordination nationale, qu'il crée lui-même le 4 avril 1993, il est vrai que Said Saadi lui avait fait un coup d'État vers la fin du boycott scolaire (1995). Ceci n'avait pas découragé pour autant cet infatigable militant de la cause amazighe puisqu'il avait aussitôt créé le MCB-Rassemblemnt national.
En 2001, suite aux assassinats de jeunes algériens du Printemps Noir par la gendarmerie algérienne, il prôna comme solution à la sortie de crise dans laquelle se débat depuis l'Indépendance l'Algérie, l'autonomie régionale. À cet effet, il a fondé le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie. L'assassinat de son fils aîné Ameziane, le 19juin2004 à Paris, qui n'a pas été élucidé est peut-être lié à son engagement autonomiste selon lui.
Son intervention musclée lors du colloque Afidora à l'Assemblée Nationale, particulièrement médiatisée, a eu un important retentissement en Algérie.
Ferhat Mehenni est l'auteur d'un livre, Algérie : la Question kabyle, publié en 2004 à Paris aux Éditions Michalon, où il exprime ses convictions autonomistes pour la Kabylie.