COMMEMORATION DE L’ASSASSINAT D’AMEZIANE MEHENNI
Ameziane, mon fils,
Cela fait six ans que tu as été tué et tes assassins courent toujours. Si, jusqu’ici, l’enquête pour faire la vérité sur le crime dont tu as été victime bégaie encore ; si elle refuse obstinément de s’orienter sur la piste politique et montre une prédilection particulière pour les faux semblants et les poubelles lui permettant de se construire des scénarios invraisemblables, nous sommes sûrs de connaître un jour ce qui s’était réellement passé dans la nuit du 18 au 19 juin 2004.
En tous les cas, ceux qui escomptaient me faire reculer en te faisant assassiner, ceux qui pensaient que par ta mort, ils allaient faire dérailler le train de la liberté du peuple kabyle, en sont aujourd’hui pour leurs frais. Contrairement à la raison d’Etat qui empêche de faire toute la lumière sur les circonstances de ton assassinat, la logique implacable de l’Histoire, elle, ne peut être enrayée.
Tu vois, mon fils, c’est même ton sang et celui des victimes du Printemps Noir de 2001, en écho à celui de tous les Kabyles assassinés pour des raisons politiques, qui nous ont insufflé cette force d’accomplir notre destin collectif de liberté.
Même si tu le vois, peut-être mieux que nous, de là où tu es, je t’annonce que le jour se lève enfin sur la Kabylie et le peuple kabyle. Partage la nouvelle avec Fadma n Summer , Cheikh Aheddad et Mokrani, dis-le à Amirouche et Abane Ramdane, à Mammeri, Feraoun, Amrouche et Tahar Djaout, à Krim Belkacem et Mecili, à Bennaï Ouali, Mbarek At Mangellat et Amar At Hammuda, dis-le à Mohand Uharun , Bessaoud Mohand Arav et Matoub Lounes, dis-le à tous les cimetières et les charniers de la liberté dont regorge le monde. Annonce-leur la bonne nouvelle : le premier gouvernement kabyle de l’histoire a été installé le 1er juin 2010.
Même si cela s’est fait en France, cela n’est qu’un premier pas vers la terre qui l’a rêvé : La Kabylie.
Hier, la France, elle-même, commémorait l’appel du 18 juin 1940 lancé par De Gaulle à partir de Londres. Aujourd’hui elle célèbre sa renaissance vieille de 70 ans.
La gerbe de fleurs que le Gouvernement Provisoire Kabyle vient déposer devant ton portrait est la meilleure des revanches sur les donneurs d’ordres de ton exécution. Elle illustre à elle seule la défaite de ceux qui affectionnent l’assassinat politique à la liberté des peuples.
Mon fils,
Comme tous ceux qui sont tombés pour notre dignité et notre liberté, tu resteras une étoile, scintillant éternellement dans le ciel de la Kabylie, comme celle donnant le Nord aux caravanes qui traversent la nuit. Ton nom est symbole de notre combat pour l’autonomie de la Kabylie.
Repose en paix mon fils. La vérité se fera un jour.
En attendant, disons-le haut et fort :
VIVE LA KABYLIE LIBRE
VIVE LE PEUPLE KABYLE MAÎTRE DE SON DESTIN.
Ton père, encore en exil à Paris, le 19 juin 2010