Quarante ans ou pas, la carrière des grands a certes un début, mais n’aura peut-être jamais une fin.Il en est ainsi de Lounis Aït-Menguellet qui a célébré ses «40 ans» de chanson lors d’un hommage qui lui a été rendu à la Radio nationale, dans l’émission «Ighzif ay idh» de la Chaîne II.
Mais pour rendre hommage et commémorer quarante ans de carrière, il fallait voir grand. Et inviter, et c’est surtout l’essentiel, les «grands» qui ont marqué toutes ces années. A commencer par ceux qui ont côtoyé le poète. C’est ainsi que l’immense Benmohammed, Kamel Hamadi, Akli Yahiatène, Nouara, Taleb Rabah et d’autres encore, en passant par Si Moh jusqu’à son digne fils, Djaâfar, sont tous passés par là. Ils étaient tellement nombreux que les responsables de la Radio avaient décidé de prolonger l’émission d’une heure. Ce qui ne dissuadera, certainement pas, les nombreux fans venus (re)écouter celui qui a bercé, quarante années durant, des générations entières. C’est ce qui explique la diversité des présents. Des enfants, des jeunes, de adultes et même des vieilles kabylophones ou pas. Ils admirent tous le poète, que Azedine Mihoubi, directeur général de la Radio nationale, compare en même temps aux grands poètes et grands chanteurs universels.
Le fatidique exercice des questions-réponses emmène les auditeurs et les présents à entendre les débuts d’un chanteur que les premiers pas prédistinaient à une grande carrière. Des premières touches de guitare, harmonisées avec une voix presque éteinte de timidité, jusqu’à une olympia pleine à craquer, les anecdotes ne manquaient pas. Plus que des anecdotes, ce sont de véritables histoires qui ont été racontées quatre heures durant. Comme cette première Olympia, racontée par l’éthnomusicologue M’henna Mahfoufi, lorsque le poète, à peine agé de 28 ans, se produisait devant une salle archicomble, avec des centaines de personnes à l’éxtérieur. Le comble, raconte l’universitaire, c’était que des journalistes curieux se posaient la question de savoir qu’est-ce qui pouvait bien attirer ces foules alors que le chanteur n’avait ni une voix exceptionnelle ni encore moins une instrumentation particulière. C’est que l’homme possède quelque chose de mythique : c’est son verbe. La même histoire, ou presque, s’est répétée bien des années plus tard. A Oran, cette fois-ci. Abdelkader Bendaâmache, qui raconte, certifie qu’un policier s’est étonné que le public oranais soit resté, une fois n’est pas coutume, «sage» avant de se rendre compte que le troubadour n’est en réalité qu’un poète cisèlant les mots.
C’est justement pour que le poète puisse acquérir un public encore plus large que Azedine Mihoubi annonce une traduction en arabe de l’ensemble de l’oeuvre de Lounis pour qu’il puisse être lu notamment au Moyen-Orient. Un autre projet de traduction, achevé celui-là, a été aussi présenté par M. Saâdoune et sera édité prochainement en Algérie.
Côté animation, le public a été gratifié de plusieurs chansons tirées du répertoire du poète. Silence radio. On écoute d’abord, puis on commente. On dirait que nous sommes aux premières années du début de l’artiste. On ne se lasse jamais de réécouter Louisa ou A mmi chantée avec le fils, Djaâfar, ou encore Amjahed entonnée avec cette jeune admiratrice qui vient, à coup sûr, en plus de faire étalage de sa voix angélique, de réaliser le rêve de sa vie, elle qui connaît le répertoire de Lounis par coeur.
Et au bout de quatre heures, c’est un voyage dans le temps, qui a quarante ans, qui vient d’être effectué. Et l’autre poétesse, Hadjira Oubachir, a résumé l’oeuvre et la carrière de Aït-Menguellet : «C’est vrai que Lounis nous a procuré beaucoup de joie. Mais nous ne devons pas oublier qu’il nous avait fait pleurer lorsqu’on était jeunes». Et le phénomène Aït-Menguellet continue.
Ali Boukhlef