Aït Menguellet ne prépare pas de prochain album
«Je ne suis pas inspiré»
Il devait retrouver son public à la grande salle parisienne de l’Olympia hier dimanche. La veille de son concert, Lounis Aït Menguellet accepte de s’entretenir avec la journaliste de l’Agence algérienne d’information (APS) et revenir sur son travail. Il se confie à vous. Par Irane Belkhedim
«Cette rencontre avec mon public me manque car auparavant, j’avais l’habitude de retrouver régulièrement mes fans. Mais ces dernières années, il y a eu une longue coupure. Cette situation est due à l’absence d’organisateurs de spectacles et de propositions. Quand l’occasion se présente, je ne décline aucune invitation !», dit-il d’emblée. Une manière d’expliquer sa «disparition forcée» de la scène artistique nationale et internationale. D’ailleurs, Aït Menguellet préfère parler plutôt de «manque d’inspiration» pour justifier la non production de nouveaux albums (le dernier date déjà de 2004). «Je ne décide pas d’écrire une chanson. Elle s’impose d’elle-même. Quand elle ne vient pas, je me résigne et j’attends. Généralement, il n’y a pas de régularité dans la composition. Il faut dire également, que ces derniers temps, il y a eu tellement de choses à côté», confie-t-il. Un prochain album ? Le public justement n’en sait rien. Il répond avec un large sourire accroché aux lèvres. «Moi aussi, je l’attends comme mon public. Je n’ai pas de recette toute faite pour écrire. J’attends que les textes viennent», se contente-t-il de répondre sans donner, toutefois, plus de détails sur le sujet et sur son travail.
41 ans de carrière et de vie derrière 41 années de carrière, de présence sur la scène artistique. De son parcours, Aït Menguellet dit ne rien regretter. «C’est une carrière que je n’ai nullement planifiée. Je pense avoir fait ce qu’il fallait faire, honnêtement et professionnellement. Si c’était à refaire, je ferai la même chose». Cependant, il estime que son bilan a été positif et qu’il en est fier. «Mais je suis loin d’en être auto satisfait», précise-t-il. Dans ses poèmes, le verbe prend le pas et guide la musique. La parole s’évade, se libère et se déchaîne. Elle emporte les rythmes et la mélodie qui semblent se taire devant la férocité de l’expression, la magie du verbe et la folie de la poésie ! Exil, jeunesse, patrie, amour, tradition, terroir, amazighité, berbérité… Lounis évoque l’Algérie qui passionne, qui blesse, qui vomit, qui donne, qui arrache, qui s’en va, qui meurt et qui vit en lui. Mais, il insiste à dire qu’il refuse tous les qualificatifs qu’on lui donne. Poète, chanteur, philosophe, amusnaw (sage), le savant… «Franchement, ces qualificatifs me font plaisir, je ressens l’admiration de mes admirateurs. Mais, je m’en méfie aussi car je ne suis rien de cela. J’essaye juste d’exprimer les choses qui me tiennent à cœur. Je les dis de la manière que je connais le mieux, par le verbe et par la chanson», affirme-t-il. Evoquant l’engagement de l’artiste, Aït Menguellet soutient qu’il se démarque des autres, il insiste sur sa neutralité. «Je m’inspire de la société, de ce qui m’entoure, de notre vécu. Quand le quotidien nous interpelle pour dénoncer des situations, pour exprimer des préoccupations, je le fais mais pas dans le but d’être enfermé dans une catégorie quelconque. Je n’aime pas être catalogué. Je n’aime pas les étiquettes. J’essaye de dépeindre ma société et même de déborder de ce cadre en traitant de sujets universels. Ne dit-on pas que la planète est devenue un grand village ?», ajoute-t-il. C’est cela l’engagement pour lui.
Je veux chanter pour ceux… Aït Menguellet atteste que ses chansons ne s’adressent pas à un public particulier, mais à tout ceux qui veulent l’écouter. «Je ne choisis pas mon public, tout comme je ne fais pas de choix dans mes chansons. Elles viennent comme cela, toutes seules. Je me contente de les écrire seulement, sans me soucier de la catégorie de gens qui les écoutera». L’artiste se définit même comme un «musicophage» car il écoute tous les styles musicaux, avouant pencher pour la chanson à texte. Que pense-t-il de la chanson algérienne en vogue ces dernières années ? «Elle se porte bien. Aujourd’hui, la chanson kabyle connaît des hauts et des bas, elle tend à être plus rythmée, plus dansante, comme ailleurs dans le monde. Il y a de beaux textes, de belles voix et de bons et de moins bons chanteurs. Je pense qu’il faut donner à nos jeunes ce genre musical pour éviter qu’ils n’aillent chercher ailleurs ce dont ils ont besoin», lâche-t-il.
Le piratage des reprises Abordant le phénomène des reprises des anciennes chansons, il s’insurge contre ces «artistes» qui, du jour au lendemain, s’approprient le travail des autres et sont lancés sur scène et deviennent des stars. «Ces chanteurs ne vivent que des reprises. Ils s’approprient, toute honte bue, les œuvres des anciens et n’apportent aucune nouveauté. Nul ne peut interpréter une chanson aussi bien que son premier créateur», maugréa-t-il, ajoutant que cela appauvrit le patrimoine musical national et bloque et décourage la création. «Pourtant des compositeurs et des auteurs talentueux existent chez nous. Ils sont prêts à proposer leurs œuvres aux autres et à collaborer avec les artistes. Pourquoi ne les sollicitons pas ? Pourquoi cette facilité à pirater le travail d’autrui», s’interroge-t-il. L’Office national des droits d’auteurs (ONDA), dit-il, tente avec ses moyens d’endiguer ce phénomène, sans vraiment y parvenir, car c’est une question qui interpelle «toutes les instances», d’autres structures doivent s’impliquer dans cette tâche de longue haleine : défendre et protéger la création et les créateurs. Enfin, après son spectacle parisien, Ait Menguellet se produira à la fin de ce mois à Saint-Etienne, puis en décembre à Amiens, au Nord de la France. I. B.
1er Salon d’automne à Alger L’Algérie avec ses différences et ses complexités Plus d’une cinquantaine d’artistes, toutes disciplines confondues, participent au 1er Salon d’automne, organisé par le Palais de la Culture à Alger et qui a ouvert samedi ses portes au public. «Nous voulons faire de ce salon un important rendez-vous de la création artistique contemporaine algérienne placé sous le signe de la découverte de talents, et surtout, impulser le mouvement créateur», indiquent les organisateurs. La manifestation regroupe des peintres, des sculpteurs, des céramistes, des calligraphes et des photographes, venus de plusieurs wilayas du pays. La rencontre se veut «un mini panorama» des arts plastiques contemporains algériens, qui présente des œuvres de différents styles, techniques, genres et tendances artistiques. A titre d’exemple, Benazouz Noureddine a exposé deux peintures abstraites, riches en matières, qui mettent en valeur la beauté des paysages de campagne. Dans son travail, l’artiste Djebabla Kadira évoque la ville, ses constructions modernes ainsi que son animation en exposant des compositions géométriques rehaussées par des contrastes de couleurs (bleus, jaunes et oranges). Nacer Douadi et Amor Idriss Dokman préfèrent parler de l’être humain, de ses préoccupations et de ses rapports avec l’autre, comme le montrent les tableaux de style abstrait et symbolique intitulés respectivement «L’acteur» et «Mina». L’être humain est également invoqué par Abla Rettab qui a opté pour la céramique de tendance moderne ainsi que le photographe Rachid Merzougi qui a met en valeur ses nombreuses créations par l’ajout de couleurs pastels. Omar Khiter, Hocine Samri et Sebara Khaled ont repris la calligraphie arabe en lui donnant une touche personnelle contemporaine aussi bien du point de vue de la composition que des couleurs. La sculpture occupe également une place de choix dans cette exposition avec notamment la participation de l’artiste Abdelaziz Amrani qui a présenté deux sculptures sur bois portant les titres «Summum de la valeur humaine» et «Egoïsme» et de Yamina Gouichiche qui a utilisé l’os comme matière de base. «Le rassemblement de ces œuvres, par-delà leur apparence, est surtout le témoignage de la vitalité de la création artistique dans notre pays», soutient Driss Lamine Dokman, commissaire de l’exposition, ajoutant qu’il faut donner aux jeunes artistes l’occasion d’exposer, de connaître les critiques et surtout le regard posé par le plus grand nombre sur leurs œuvres. R. C.
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